Poésie

C'est-à-dire que je suis un peu une lune organique. Pas que je me pense fils d'un soleil ou d'un Dieu mais je suis une lune. J'ombrage les immeubles, les meubles et même les chats. Dans mes pensées, il y a aussi une partie lunaire, un sentiment d'appartenir à la dialectique ronde et féconde de la boule grise suspendu dans les airs. Dans mon cœur fringant et presque hélicoptère, je visite les huîtres avant qu'elles soient mangées, je dors dans le ventre des bisons et des bœufs, je me carafe avant de bouillir sur une montagne de sucre. Parce qu'il faut le dire, mais l'enfance c'est le bruit des crayons, car le crayon, c'est un peu le pique d'un hérisson pour l'homme. On peut écrire, on peut stagner dans des eaux encore vierges de poissons. Parfois, je fais pendre mon nez à une odeur encore inconnue. Celle d'une moustache, d'un bouc, d'une dent. Car les dents sentent fort. C'est les montagnes de la bouche. Des montagnes carrées  souffle le dentifrice fluo. 
Une de mes pathologies est celle de vouloir voler les yeux des gens. Leur prendre leurs iris et parler avec elles. Qu'est-ce que dit un organe qui n'est fait que d'image ? Un organe sourd et muet ? Il parle en images. Il me fait découvrir des visages, des villes, des civilisations inconnues. Je découvre, je découvre. Alors je vole des yeux, un peu partout, dans le métro, dans les rues, dans les avions. Parfois, je mets ma main sur mon crâne et je me mets à penser. Je pense géométrie, polygone, triangle, hexagone. Je gratte les arêtes de chaque figure et je fais du feu. Je me réchauffe, petit à petit, je commence à avoir chaud. C'est bête parce que vous pourriez en profiter. Aussi je peux me couper un cheveu et le mettre dans la soupe. C'est ma façon à moi de dire merde à la société, aux influences néfastes de la nativité libérale qui régit nos sociétés sous domination extraterrestre.
Quand je vais acheter du pain, je ne le choisis pas pour sa façon d'être cuit, mais plutôt pour le nombre de miettes qu'il fera tomber lorsque je le ramènerai chez moi. C'est un peu ma façon à moi d'être le petit poucet, de cette façon je retrouve le chemin de la boulangerie, et je peux ainsi acheter un autre pain un autre jour et refaire le chemin indéfiniment jusqu'à ce que le calendrier aille lui-même acheter du pain lorsque je ne serai plus là. Car oui, c'est vrai, il faut y penser, même si je suis jeune et plein de vie, plein de santé, un jour je ne serai plus là. C'est un peu de l'hécatombe de mes cellules dont je parle. Et ça me rend triste. Parce que c'est triste. Enfin ce n'est pas si triste, parce que tout le monde connaîtra un jour l'hécatombe de ses cellules. C'est une guerre, une guerre sans tranchée. Moi je suis un peu Rambo, je veille sur mes cellules, je les regarde dans les yeux et je leur dis : «  les gars, faut s'armer de patience ! ». Car la patience est vertueuse. Alors je veux que mon ventre s'enracine avec les pissenlits et les bégonias. Ainsi, je serai une lune avec un drapeau américain et des fleurs sur le crâne. Je serai beau, assez beau pour taper sur mon ordinateur les bruits que font mes pas sur le sol. Parce que le sol est un train paresseux. C'est un peu son défaut. Si les trains étaient des sols, et les sols étaient des trains, on irait plus vite acheter une baguette. Les cimetières, les immeubles, les buildings, les gens, les chiens, les chats, les feux rouleraient avec un grand sourire. Le sourire de Dieu sûrement, puisqu'il aura réussi son pari, faire rouler le monde dans un sens. Vers le Nord.

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