anche / hanche, par Angèle Casanova ( à partir d’une démonstration technique de Rose S.)
elle tourne lentement le roseau dans l’axe
sa main fait un va-et-vient rapide
entre le bout d’écorce et le bas du mandrin
où il est accroché
elle vérifie
que l’ensemble est bien droit
quand tout est prêt
elle prend un bout du fil à coudre qui pend
du pied de la coiffeuse
fait un nœud autour du roseau
tire sur l’appareil
tend le fil le plus possible
et tourne
longtemps
un fuseau arrondi se forme
à la jonction du roseau et du mandrin
quand la rainure est comblée
elle fait un nouveau nœud et coupe le fil
alors elle prend du vernis à ongle et enduit le fuseau
souffle un peu pour le faire sécher plus vite
et dépose l’ensemble
dans un verre à dents
l’anche est prête
peut-être jouera-t-elle
peut-être pas
nous le saurons bientôt
le hautbois l’attend
***
Je l’ai écoutée me donner ces explications techniques. Me parler de l’importance de ces gestes. Le son vient de l’anche. Sans elle, le hautbois est muet.
Elle parle, et des images confuses se dessinent en moi. Le h de hanche interdit l’élision que son absence dans le mot anche permet. C’est simple et pourtant source de trouble.
Lorsque j’utilise à mon tour le mot anche, je trébuche mentalement sur la liaison. Je sosote. L’anche devient l’anse. La hanche, la Hanse.
Je dis anche pour hanche, hanche pour anche. J’attache mes hanches avec du fil, je les maintiens au cordeau. Elles doivent rester dans l’axe de ce voleur de mandrin. La discipline est de mise en la matière. Le voleur est là, il fait la loi. Les hanches n’ont qu’à bien se tenir. Si ce n’est pas le cas, on les jettera à la poubelle. Alors on s’applique. On les attache. On les enduit. Le vernis est chaud sur le corps. Il colle au ventre. Les hanches ne sont plus qu’un bleu. Des escarres se forment sur leurs pointes. Le corps qui les porte souffre, mais tient bon. Le mandrin va dire ce qu’il en pense. Il faut attendre que le vernis sèche, que le plâtre opère, que le corset fasse son temps. Alors le corps sortira de sa gangue collante, et on verra bien s’il sonne juste.
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J'ai le plaisir d'échanger ce mois-ci avec Angèle Casanova et son blog gadins et bouts de ficelles dans le cadre des Vases Communicants. Nous nous sommes inspirés des poèmes de l'un et de l'autre pour faire chanter nos mots à l'unisson.
Vous pouvez trouver mon poème par ici
sa main fait un va-et-vient rapide
entre le bout d’écorce et le bas du mandrin
où il est accroché
elle vérifie
que l’ensemble est bien droit
quand tout est prêt
elle prend un bout du fil à coudre qui pend
du pied de la coiffeuse
fait un nœud autour du roseau
tire sur l’appareil
tend le fil le plus possible
et tourne
longtemps
un fuseau arrondi se forme
à la jonction du roseau et du mandrin
quand la rainure est comblée
elle fait un nouveau nœud et coupe le fil
alors elle prend du vernis à ongle et enduit le fuseau
souffle un peu pour le faire sécher plus vite
et dépose l’ensemble
dans un verre à dents
l’anche est prête
peut-être jouera-t-elle
peut-être pas
nous le saurons bientôt
le hautbois l’attend
***
Je l’ai écoutée me donner ces explications techniques. Me parler de l’importance de ces gestes. Le son vient de l’anche. Sans elle, le hautbois est muet.
Elle parle, et des images confuses se dessinent en moi. Le h de hanche interdit l’élision que son absence dans le mot anche permet. C’est simple et pourtant source de trouble.
Lorsque j’utilise à mon tour le mot anche, je trébuche mentalement sur la liaison. Je sosote. L’anche devient l’anse. La hanche, la Hanse.
Je dis anche pour hanche, hanche pour anche. J’attache mes hanches avec du fil, je les maintiens au cordeau. Elles doivent rester dans l’axe de ce voleur de mandrin. La discipline est de mise en la matière. Le voleur est là, il fait la loi. Les hanches n’ont qu’à bien se tenir. Si ce n’est pas le cas, on les jettera à la poubelle. Alors on s’applique. On les attache. On les enduit. Le vernis est chaud sur le corps. Il colle au ventre. Les hanches ne sont plus qu’un bleu. Des escarres se forment sur leurs pointes. Le corps qui les porte souffre, mais tient bon. Le mandrin va dire ce qu’il en pense. Il faut attendre que le vernis sèche, que le plâtre opère, que le corset fasse son temps. Alors le corps sortira de sa gangue collante, et on verra bien s’il sonne juste.
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J'ai le plaisir d'échanger ce mois-ci avec Angèle Casanova et son blog gadins et bouts de ficelles dans le cadre des Vases Communicants. Nous nous sommes inspirés des poèmes de l'un et de l'autre pour faire chanter nos mots à l'unisson.
Vous pouvez trouver mon poème par ici
Commentaires
deux instruments qui
(si tout va bien)
vibrent.
___
(Me rappelle qu'il est si difficile de tenir la note sur la bombarde, que les lèvres peinent vite à maintenir l'anche et que la cornemuse a bien de la chance d'avoir une réserve d'air disponible)